Chapitre 14
Betty s’est coupé les avant-bras. Elle dit que ce n’était pas pour mourir mais pour sentir ce que ça faisait. Elle n’a pas eu peur. Au contraire, elle se sentait bien, comme si elle fondait dans un monde très tranquille. Elle voyait tout en bleu, comme dans le film Les deux tours, quand Aragorn tombe du précipice et coule dans le fleuve et que la princesse elfique lui apparaît. J’aimerais ça être dans un endroit aussi calme, où on n’entend rien du monde, où on respire doucement. Hier, Mathieu et Thibault m’ont jeté dans la neige et ont voulu m’enterrer. Maxime et Max ont fait semblant de se battre tout près de nous et les profs sont venus les séparer. Mathieu et Thibault ont réussi à se sauver, car les profs étaient trop occupés avec Maxime et Max qui ont expliqué qu’ils ne se battaient pas réellement, qu’ils s’amusaient. Ils souriaient et Maxime m’a fait un clin d’œil. J’aimerais ça lui dire que je ne suis plus fâché contre lui, mais je suis gêné. Je le lui écrirai dans ma lettre. Je lui lègue tout mon ensemble de magie. Peut-être qu’il aimera ça. Peut-être pas. Je suis tellement mêlé que je ne sais plus rien. Je ne sais plus qui je suis.
* * *
Grégoire expliquait à Maxime comment faire des crêpes lorsque Maud Graham poussa la porte d’entrée. Une odeur de beurre fondu la réconforta aussitôt ; elle ne résisterait pas à la pâtisserie, ce soir-là.
— Eh ! Biscuit ! J’ai fait des crêpes. Tout seul. Même toi, tu serais capable !
— Pourquoi je travaillerais quand j’ai quelqu’un à la maison pour ça ?
— Ne pense pas que je vais devenir ton esclave !
Un joyeux désordre régnait dans la cuisine, il y avait de la farine sur le sol et du beurre sur la poignée du réfrigérateur, mais la table était mise. C’était Maxime qui avait disposé les couverts, couteau à gauche et fourchette à droite. Devait-elle lui répéter qu’il s’était trompé ? Quand devait-on critiquer ou encourager un enfant ? Mme Charbonneau avait tout fait pour élever son fils qui avait néanmoins mal tourné. Parce que son père avait disparu de sa vie ? Bruno Desrosiers n’était pas l’homme le plus futé du monde, il manquait de maturité, de jugement, de bon sens, mais il aimait Maxime et n’aurait jamais accepté d’en être séparé longtemps. Est-ce que l’adolescent serait heureux en grandissant ?
— Êtes-vous heureux ? demanda Maud Graham en remuant la soupe aux légumes préparée par Grégoire.
— Ça sent bon, fit Maxime.
— Si on est heureux ? dit Grégoire. Dans quel sens ?
— Maintenant, aujourd’hui, ce soir ?
— C’est cool d’être ici avec vous. Même si je ne peux pas jouer au hockey autant que je le voudrais.
— Il n’y a pas que le hockey dans la vie, marmonna Grégoire. Moi, je ne joue pas et je ne suis pas déprimé pour autant.
— Parce que tu n’aimes pas ça. Ça ne te manque pas. Dans le fond, tu aurais voulu aimer ça. Tu aurais été comme tout le monde. Je suis sûr que Pascal voudrait…
— Pascal ? Ça fait longtemps que tu ne nous as pas parlé de lui. Ça va pour lui ?
Maxime haussa les épaules.
— Est-il heureux ? insista Graham.
— Pourquoi veux-tu que tout le monde soit heureux aujourd’hui ? répondit Maxime.
— Pas juste aujourd’hui.
On ne peut pas être heureux en permanence, mais il fallait avoir des moments privilégiés. Graham avait goûté un de ces instants de grâce en voyant Maxime et Grégoire cuisiner ensemble, leurs sourires complices, le mouvement de Léo qui s’étirait sur le canapé. Elle conserverait cette image et l’évoquerait lorsque la mélancolie la gagnerait.
— On peut avoir de petits bonheurs. Tartiner une crêpe de Nutella, par exemple.
— C’est plus facile d’être content si on est gourmand, déclara Maxime. Pascal ne mange pas grand-chose. Il est très difficile. Et il a toujours mal au ventre. De toute façon, ce n’est pas de mes affaires.
— Si tu t’étais mêlé de tes affaires, on n’aurait pas sauvé Kevin, l’an dernier[5].
— Pascal a douze ans ! Et il a une nouvelle amie. C’est à son tour de s’en occuper. Betty n’était même pas là, ce midi, quand on s’est battus pour l’aider.
— Battus ? On ? Qui, on ?
— Max et moi. C’était pour jouer, pour me distraire. Je suis écœuré de ne rien faire. Ma cheville ne me fait même pas mal. Je suis sorti, puis j’ai goalé un peu. Avec mon plâtre, c’est super pour arrêter la rondelle.
— Vous vous êtes battus…
— Pour s’amuser. Tu ne peux pas comprendre, tu es une fille.
— Les filles ne se battent pas ?
— Non, elles font leurs coups par en dessous. Elles sont hypocrites. Elles partent des rumeurs.
Maud Graham fit semblant d’être un peu vexée, puis questionna Maxime.
— Tu as dit que vous avez aidé Pascal.
— Mathieu était après lui. Je ne veux pas stooler, alors Max et moi, on s’est battus et Germain nous a séparés. Mathieu et Thibault ont laissé Pascal tranquille pour ne pas avoir de problèmes avec Germain.
— Germain ?
— C’est le prof que j’aurais dû avoir au lieu d’être coincé avec la Pagé. Elle nous enterre sous des tonnes de devoirs !
— Pascal a souvent des ennuis ?
Maxime soupira : on ne discuterait pas de Pascal toute la soirée, non ? Il l’avait aidé, non ? C’était ça, l’important.
Grégoire apporta les crêpes pour détendre l’atmosphère et Maxime oublia Pascal dès qu’il goûta à la première.
— C’est dommage qu’Alain soit à Montréal.
— Je lui en ferai, promit Maxime. La prochaine fois qu’il sera ici durant la semaine.
— Pascal aimerait peut-être ça ?
— Tu es toquée, Biscuit, lâcha Grégoire. Maxime ne veut plus parler de Pascal, il me semble que c’est clair.
Grégoire se leva pour prendre son paquet de cigarettes dans sa veste, alluma une Player’s en cherchant un cendrier.
— C’est clair que je le dérange quand je pose des questions. Et moi, ça me dérange de le déranger. Pourquoi est-il si discret ? On dirait que c’est tabou, que c’est un secret. Je déteste les secrets. Ce sont des bombes à retardement et…
— Tu exagères, Biscuit, l’interrompit Grégoire.
— Non. S’il faut que Maxime se batte pour protéger Pascal, ça me concerne.
— Je ne me battrai plus, promit Maxime. Ne te fâche pas !
— Je ne suis pas fâchée, seulement inquiète.
— Tu es bizarre, ce soir. Tu veux qu’on soit heureux, ensuite tu t’en fais pour Pascal. C’est quoi, ton problème ?
Maud Graham dévisagea Grégoire, hésita, puis raconta l’histoire de Daniel Darveau, ses talents gâchés, sa vie ratée, sa fin sordide devant la maison de sa mère.
— Tu as peur qu’on devienne des losers ? Comme Pascal ?
Ainsi Pascal était un raté ? Pourquoi ?
— C’est comme ça, déclara Maxime. Mais maintenant, Betty se tient avec lui.
— Betty ? Une fille de ta classe ?
— Non. C’est ça qui est bizarre, elle est en troisième secondaire.
— Es-tu jaloux ? Est-ce qu’elle est mignonne ? s’informa Graham.
Maxime fit une grimace éloquente. Jamais il ne sortirait avec une fille qui mettait des chandails rose fluo.
Elle avait l’air d’un gros bonbon.
— Est-elle une perdante, elle aussi ?
— Je ne sais pas, avoua Maxime. Elle a beaucoup d’argent.
— Si riche que ça ?
— Il paraît qu’elle habite dans un château.
— Il n’y a pas de châteaux à Québec, protesta Grégoire.
— En tout cas, c’est une super grosse baraque. Mais j’aime mieux être ici.
— Même si c’est l’heure de faire tes devoirs ?
Maxime soupira, mais quitta la table en ramassant son assiette. Maud Graham le retint par son tee-shirt, l’attira vers elle, lui ébouriffa les cheveux en l’assurant qu’elle ne pensait pas et ne penserait jamais qu’il était un raté. C’était tout le contraire. L’adolescent se dégagea en souriant.
— Tu me trouves énervante ? demanda Graham à Grégoire lorsque Maxime se fut éloigné. Ce n’est pas normal qu’il soit si mal à l’aise quand il s’agit de Pascal. Je croyais que ce gamin avait eu des problèmes d’adaptation à l’automne, mais que tout allait bien, maintenant. Je me suis trompée…
— Si tu t’en mêles, c’est Maxime qui aura des problèmes. Ce n’est pas ce que tu veux. Ni toi, ni moi, ni lui.
— On ne peut pas rester les bras croisés. Ce n’est pas l’exemple que je veux donner à Maxime. Jouer à l’autruche en espérant que tout s’arrange…
La sonnerie du téléphone l’interrompit. Grégoire comprit à son expression qu’elle enfilerait son Kanuk, le prierait de veiller sur Maxime jusqu’à son retour. Elle avait l’air triste en reposant le récepteur.
— C’est un meurtre ?
— Non, agression sexuelle. Un touriste ontarien qui s’en est pris à une étudiante de l’université. Il dira qu’il voulait seulement s’amuser, qu’il ne parle pas français, qu’il n’a pas compris quand elle a dit non. Évidemment : non et no, c’est tellement différent !
— Joyeux carnaval !
— On est déjà débordés.
— Maxime voulait assister au défilé de nuit. Je ne sais pas si Bruno l’emmènera.
— Je déteste le carnaval ! maugréa Graham.
— Pas moi, j’ai toujours eu beaucoup de succès avec les touristes.
— Qu’est-ce que tu feras si tu croises Maxime et son père avec un client ?
Elle boutonna son manteau, remonta le large col, mit ses gants. Les rafales atteignaient cinquante kilomètres à l’heure, soulevaient la neige pour cingler les visages des passants et la glace noire attendait ses proies sur la route. La nuit serait longue.
* * *
Betty hésitait entre le chocolat fourré aux noisettes et celui aux cerises. Elle gardait celui en forme de cœur pour la soirée, quand elle serait assise dans son salon et qu’elle regarderait le journal télévisé, qu’elle entendrait qu’une femme avait été abattue chez elle par un élève devenu fou. Elle jeta un coup d’œil à sa montre, mangea un chocolat pour calmer son anxiété, examina l’arme sur la table du salon. Elle l’avait bien nettoyée, il n’y avait aucune de ses empreintes et elle n’enlèverait jamais ses gants. Elle s’approcha d’une des grandes fenêtres, sourit en constatant que la journée serait ensoleillée ; elle aurait une bonne raison de porter ses nouvelles lunettes. Elle espérait qu’Armand les aime autant que les autres, qu’elle trouvait trop petites.
— Mais non, avait-il protesté, tu ressembles à une star. Je sors avec une star ! Je ne me suis jamais senti aussi bien, même si je n’en peux plus de ne pas te voir plus souvent. Qu’est-ce qu’on va devenir, ma chérie ?
Il l’appelait souvent « ma chérie » et elle ne se lassait pas de l’entendre. Ma chérie… Personne ne l’avait appelée comme ça auparavant. Même pas ses parents. Ma chérie… Mon chéri, mon amour, nous allons enfin être heureux. Dans une heure, tu seras débarrassé de ta maudite bonne femme.
Betty savait qu’elle jubilerait en téléphonant à Armand pour lui annoncer la nouvelle, mais qu’elle devrait se contenter ensuite de l’apercevoir à la télévision ou en photo dans les journaux. Elle devrait être très sage durant quelques jours. Et très discrète jusqu’à la fin de l’année scolaire. Après…
Elle regarda de nouveau sa montre, mit ses gants et vérifia pour la centième fois si le pistolet était chargé, puis elle le glissa dans son sac à dos. Les enquêteurs chercheraient sûrement à savoir d’où venait l’arme et elle avait décidé qu’elle les appellerait dès que la nouvelle du meurtre serait publique. Elle pleurerait, gémirait qu’elle se sentait coupable d’avoir montré l’arme à Pascal. Elle dirait qu’elle ne s’était pas aperçue qu’il l’avait volée lors de sa dernière visite chez elle. Elle ajouterait qu’elle aurait dû prendre ses menaces de suicide au sérieux… Son père serait fou de rage lorsqu’il apprendrait que sa fille était mêlée à une histoire pareille, mais bon… Il ne pourrait la priver d’argent, il ne pouvait la laisser seule à la maison sans l’entretenir, alors… Il signerait quelques contrats au printemps, serait débordé de travail et oublierait cet épisode déplaisant.
Huit heures moins vingt. Elle devait appeler le taxi et cueillir Pascal à l’arrêt du bus. S’il avait suivi ses instructions… Heureusement que la mère de Pascal avait cessé de l’accompagner à l’école en voiture à cause de son nouveau travail qui l’obligeait à partir à l’aube, sinon son plan aurait été vraiment plus compliqué à exécuter.
Pascal lui avait dit qu’il avait écrit une lettre d’adieu. C’était bon signe. Elle en avait aussitôt rédigé une pour qu’il la croie aussi désespérée que lui et qu’il n’hésite pas à se tuer.
Il était là. Il portait les lunettes noires qu’elle lui avait offertes. Son chapeau était enfoncé sur ses oreilles. Il était aussi anonyme qu’elle l’avait souhaité. Il monta dans le taxi sans prononcer un mot. Betty donna le nom d’une rue voisine de chez Judith Pagé, paya le taxi et attendit qu’il se soit éloigné pour entraîner Pascal vers le domicile des Pagé-Marsolais.
— Et si son mari est là ?
Pascal ne bougeait pas et risquait d’attirer l’attention d’un témoin.
— Le policier ? reprit-il. S’il est là… on…
— Non, je l’ai entendue se plaindre à ma prof qu’Ar… que son mari partait travailler trop tôt pour la reconduire à l’école. Notre plan est excellent, Pascal. On va leur montrer qui on est !
Il ne fallait pas qu’il change d’idée ! C’était elle qui le tuerait s’il ne se décidait pas à la suivre. Elle avait l’impression que son cœur battait si vite qu’il exploserait avant qu’ils atteignent le bout de la rue. Elle prit la main de Pascal, ôta sa mitaine d’un geste sec et caressa la chair du bout des lèvres.
— C’est toi, mon héros, ne l’oublie pas ! Dans notre prochaine vie, on sera forts, on sera beaux et plus personne ne rira de nous. On sera ensemble pour l’éternité.
Pascal fut si surpris qu’il suivit Betty, courut avec elle jusqu’à leur destination. Il croyait sentir la marque du baiser sur sa main. Il ne savait pas si ça lui plaisait ou non, il était incapable de réfléchir. Il n’avait que le mot héros en tête. Héros. Héros. Héros. Oui, il leur montrerait ce qu’un crapaud était capable de faire !
Betty sonna à la porte en posant la main sur son cœur. Dix secondes, onze, douze. Judith leur ouvrirait-elle ?
— Pascal ? Betty ? Qu’est-ce que…
— On a un problème, madame Pagé. Un gros problème.
Judith parut contrariée, mais elle leur fit signe d’entrer, referma la porte derrière les adolescents.
— Qu’est-ce qui se passe ?
— C’est Pascal, madame Pagé, il est malade… Ils l’ont encore attaqué, j’ai essayé de le défendre, mais…
— Qu’est-ce qui t’est arrivé ? Qui l’a agressé ?
— Est-ce qu’on peut avoir un verre d’eau, madame Pagé ?
Judith hésita, mais Pascal était effectivement mal en point, si blême, si fragile. Elle lui apporterait un verre d’eau, il lui raconterait son histoire et ils pourraient ensuite partir pour l’école. Huit heures deux. Elle avait encore quelques minutes devant elle. Elle s’éloigna vers la cuisine. Betty sortit aussitôt l’arme de son sac à dos, la tendit à Pascal.
— C’est à toi. Vise aussi bien que Legolas.
— Je ne suis pas… Non… Ça n’a pas de bon sens…
— Eh ! As-tu peur ? Pas toi ! T’es un king. Et moi, je suis ta queen. C’est ce qu’on avait décidé. Come on !
Montre-leur ce que tu as dans le ventre ! Vite ! Tiens-toi droit, écarte tes jambes, vise.
Pascal tenait l’arme lorsque Judith revint vers eux avec un verre d’eau, mais il ne tirait pas, malgré les exhortations de Betty.
Il ne broncha pas non plus quand Judith poussa un cri de surprise, lorsque le verre d’eau se fracassa sur le sol. Il restait immobile, visant la femme mais ne tirant toujours pas. Betty rugit, folle de rage, s’approcha de Pascal en hurlant à Judith de ne pas bouger, appuya ses deux mains sur celles de Pascal, le forçant à presser sur la détente. Un coup. Deux. Judith Pagé s’écroula avec une expression d’incrédulité horrifiée.
— On l’a eue ! s’écria Betty. Maintenant, sortons nos lettres d’adieu. Et on se tire l’un après l’autre.
Pascal laissa tomber l’arme et se mit à vomir.
— T’es folle… Je… je ne voulais pas la tuer. C’est toi qui l’as tuée ! C’est toi qui l’as tuée. C’est toi qui l’as tuée…
Betty le gifla. Il allait tout gâcher !
— C’est toi qui l’as…
— Arrête !
Pascal courut jusqu’à la porte d’entrée, l’ouvrit à toute volée et sortit de la maison comme si Betty le poursuivait. Il se précipita vers la rue, traversa sans regarder. Une voiture fonçait droit sur lui. Le conducteur klaxonna, tenta de freiner, mais la glace déjoua la manœuvre et la voiture heurta l’enfant. Le conducteur entendit un cri d’épouvante sans comprendre que c’était le sien. Il jaillit de sa voiture au moment où un piéton accourait vers Pascal.
— Je n’ai pas été capable de… Il s’est jeté sur la voiture… Je n’ai pas pu…
— Je sais, je l’ai vu ! répondit l’homme en se penchant vers Pascal, en s’agenouillant dans la neige que le sang rosissait déjà.
Il posa la main sur le cou de Pascal, en lui murmurant qu’il devait vivre, puis il hurla qu’il fallait appeler une ambulance, il sentait un léger pouls sous ses doigts.
Le conducteur eut du mal à composer le 911 sur son cellulaire. Plus tard, il affirma aux enquêteurs qu’il ne se souvenait même pas d’avoir appelé des secours. Tout à coup, les ambulanciers étaient là avec une civière et soulevaient le garçon. Le conducteur avait pensé qu’il avait l’air aussi léger qu’un ange, qu’il ne fallait pas qu’il en devienne un. Puis il s’était écroulé dans la neige. L’homme qui avait tâté le pouls de Pascal était venu vers lui en répétant qu’il avait vu l’enfant courir devant la voiture, qu’il le préciserait aux enquêteurs, qu’il y avait aussi toute cette glace qui couvrait la chaussée.
— Mais j’ai freiné ! avait dit le conducteur.
— La glace est traître, soulignait son interlocuteur tandis que d’autres sirènes retentissaient dans ce matin de février.
Quand les hommes rentreraient chez eux, ils auraient tous deux oublié que c’était la Saint-Valentin, mais leurs femmes ne leur reprocheraient pas d’arriver les mains vides. Elles se prépareraient à vivre des nuits remplies du cauchemar de leurs conjoints.
* * *
Betty avait entendu les cris du conducteur et des témoins de l’accident tandis qu’elle s’approchait du corps de Judith Pagé. Elle ne pouvait pas croire qu’elle était bien morte. Tout s’était passé en un éclair ! Le bruit des détonations avait été assourdissant mais vite oublié dans la stupeur de voir Judith Pagé s’écrouler aussitôt, de sentir les mains de Pascal, inertes entre les siennes, de le voir vomir puis s’échapper, courir dehors. Elle tentait maintenant de sortir la lettre d’adieu du sac à dos de Pascal, mais elle tremblait si fort qu’elle ne parvenait pas à ouvrir le sac. Elle avait l’impression que tout tournait autour d’elle, que les murs tanguaient, que l’air se raréfiait. Elle eut un instant de lucidité : elle n’avait pas à chercher la lettre, le sac à dos de Pascal serait sûrement examiné par les enquêteurs. Elle devait quitter les lieux au plus vite. Quand saurait-elle si Pascal était encore vivant ? Rien ne s’était déroulé comme prévu à cause de ce stupide crapaud… Comment avait-elle pu croire en lui ? Dehors, une femme hurlait qu’un enfant était sans connaissance, qu’il fallait appeler une ambulance, un homme répondait que c’était fait. Une autre voix lui parvint, un homme criait qu’il ne voulait pas le tuer, qu’il n’avait pu freiner.
Il était mort. Pascal était mort. Elle dirait que c’était lui qui avait tiré, qu’elle avait essayé de l’empêcher… Elle quitta le salon, chercha la porte arrière, l’ouvrit, sortit dans la cour, traversa celle des voisins et courut vers le boulevard. Elle eut un éblouissement, pensa s’évanouir dans le soleil trop cru, mais le froid la saisit, lui fouetta les sangs : elle devait s’éloigner sans courir pour ne pas attirer l’attention. Monter dans le premier bus qui passerait. S’arrêter n’importe où quinze minutes plus tard et appeler Armand. Armand. Il verrait combien elle l’aimait pour avoir pris de pareils risques. Il comprendrait qu’il pouvait compter sur elle.
Judith Pagé était morte. Était-ce possible ? Morte ? Elle épelait ces cinq lettres pour se persuader de leur réalité. MORTE. Elle avait tant rêvé de ce moment et elle n’en jouissait même pas, car Pascal avait tout gâché.
Au moins, il avait écrit sa lettre de suicide.
Le bus la déposa au coin de Belvédère et René-Lévesque. Elle s’éloigna vers une rue plus tranquille pour téléphoner à Armand. Il répondit à la première sonnerie. Elle y vit un autre signe de leur complicité, de leur connivence. Ils étaient en pleine osmose, télépathes.
Il lui fit pourtant répéter trois fois ce qu’elle lui disait.
— Tu as tué Pascal ?
— Non, il a tué Judith à cause de moi. Et je l’ai aidé.
— Judith ?
— Je te l’avais promis. Pascal a écrit sa lettre d’adieu, elle est dans son sac à dos chez vous et Judith est morte. Elle ne bougeait plus du tout.
— Judith est morte.
— C’est Pascal qui l’a tuée. Et je pense qu’il est mort, lui aussi.
— Tu penses ?
— Je ne pouvais pas sortir dehors pour vérifier !
Elle pleurait. Pourquoi ne la félicitait-il pas ? Ne la remerciait-il pas ? « C’est la surprise », fit-il aussitôt. La surprise.
— Je t’avais promis un beau cadeau pour la Saint-Valentin, hoqueta-t-elle. Tu ne m’as même pas souhaité bonne Saint-Valentin.
Armand Marsolais avait imaginé cet instant plusieurs fois et il était malgré tout stupéfait par les propos de Betty. Il retenait l’essentiel : Judith était morte et Pascal était mêlé à cette histoire. Pourquoi ? Il l’apprendrait plus tard. Dans l’immédiat, il devait calmer Betty, l’empêcher de faire une bêtise.
— C’est faux, ma chérie, j’ai une surprise pour toi. Je te la donnerai au chalet. Vas-y maintenant.
— Au chalet ?
— J’ai rempli le frigo de tout ce que tu aimes. Et j’ai rentré du bois pour que tu puisses allumer un feu de foyer en m’attendant.
— Non ! Viens me chercher ! Si je prends l’autobus, je verrai des gens que je connais. Et je mettrai des heures pour me rendre au chalet. Il doit y avoir un million de correspondances.
— Où es-tu ?
— Au coin de Belvédère.
— Non, c’est trop dangereux, il ne faut pas qu’on nous voie ensemble. Tu comprends, ma chérie ? Plus tard, on pourra se montrer au monde entier, OK?
Un téléphone qui sonnait derrière lui le fit sursauter. Il se retourna, aperçut Graham qui lui adressait un signe de la main. Elle prendrait l’appel. Il réussit à lui sourire, se tourna de nouveau. Il devait convaincre Betty de suivre ses instructions. Il lui répéta d’aller au chalet, mais le comprenait-elle ? Était-elle trop choquée pour l’entendre, pour assimiler ses paroles et lui obéir ? Fossambault n’était pas si près, elle pouvait changer vingt fois d’idée durant le trajet.
— Saute dans un taxi, je te rembourserai.
— J’ai de l’argent, je suis capable de payer.
Il n’aimait pas le ton de sa voix, trop sec, métallique.
— Je ne veux plus que tu dépenses un sou à cause de moi, ma poupée. C’est à moi de m’occuper de toi, de pourvoir à tes besoins. Je pars de mon côté, d’accord ? Et on se retrouve là-bas ? Tu veux bien ?
— Mais je n’ai pas la clé ! geignit-elle.
— J’ai tout prévu, ma chérie. Il y a une clé cachée dans la mangeoire bleue des oiseaux, derrière le hangar. Pars vite, j’ai si hâte de t’offrir mon cadeau.
— Un cadeau ? Ça commence par quelle lettre ?
— Par quelle lettre ? Par un A, affirma-t-il. A comme Amour.
La réponse parut la satisfaire. Elle s’écria qu’un taxi tournait sur René-Lévesque, elle allait l’attraper. Elle coupa la communication et Armand Marsolais poussa un soupir de soulagement. Elle avait obéi à ses instructions.
Elle avait tué sa femme et maintenant il allait s’occuper d’elle. Il lui servirait un de ces cocktails qu’elle aimait tant dès qu’elle arriverait au chalet, un Pink Lady très fort en alcool et assez sucré pour qu’elle ne détecte pas le goût des somnifères qu’il avait subtilisés dans l’armoire de la salle de bain chez ses parents. Il trinquerait avec elle devant le feu et, dès qu’elle s’endormirait, il la porterait dans sa voiture et roulerait jusqu’au lac Saint-Joseph. N’avait-elle pas dit que ses parents possédaient un chalet près du lac à la Pelle ? Il avait repéré les lieux, une forêt où on ne la retrouverait pas trop vite. Elle mourrait d’hypothermie et il y aurait des tas d’émissions de télévision où on parlerait du mélange fatal d’alcool et de médicaments. La thèse du suicide serait la première retenue, l’accident viendrait en deuxième. Mais personne ne songerait au meurtre.
Il devait partir sans plus tarder. Il attrapait son manteau quand Maud Graham, toujours au téléphone, fit un geste pour le retenir. Elle paraissait très tendue. Oh non ! On n’avait pas déjà appris que Judith était morte ? Betty venait tout juste de lui téléphoner !
— Attends, Armand.
— Tantôt, dit-il. On se verra tantôt.
Elle coupa la communication et il sut tout de suite qu’il ne pourrait pas se rendre au chalet comme il l’avait prévu.
— Armand, il est arrivé quelque chose chez vous. Viens t’asseoir.
Il n’eut pas de mal à faire semblant d’être atterré parce qu’il pensait sans cesse à Betty qui se retrouverait toute seule au chalet pour plus de vingt-quatre heures : il était coincé, maintenant. Il devrait aller chez lui reconnaître le corps de son épouse et passer la journée à répondre à dix mille questions. Il devait rappeler Betty au plus vite.
— Je… je vais aller…
Il indiquait les toilettes. Graham se leva en même temps que lui, le suivit. Il l’arrêta, il voulait être seul un moment. Elle hocha la tête. En poussant la porte des toilettes, il savait qu’elle raconterait tout à leurs collègues durant son absence, qu’il découvrirait des mines atterrées quand il ressortirait des lieux d’aisances. Une minute ! Il avait suffi d’une minute pour que son plan s’écroule ! Pourquoi Betty avait-elle tant tardé à l’appeler ?
Il rejoignit Betty sur son cellulaire, le taxi roulait déjà sur Wilfrid-Hamel. Il jura qu’il pensait à elle sans arrêt, il ne voulait pas qu’elle ait d’ennuis, mais il ne pouvait pas aller au chalet.
— On vient de découvrir Judith. Je suis obligé de rester ici. Ne bouge pas du chalet ! D’ici un jour ou deux, je serai avec toi. Pour la vie.
Elle protesta. Il lui répéta qu’il l’aimait, qu’il serait là dès qu’il le pourrait. Elle devait être patiente. Ils seraient bientôt réunis.
Il tira la chasse d’eau, se lava les mains, vit son image dans le miroir. Il lui semblait qu’il avait vieilli.
Est-ce que Nadine le remarquerait ? Nadine ! Pourrait-il s’isoler quelques minutes pour l’appeler et lui souhaiter une belle Saint-Valentin ? Il ne pouvait pas lui téléphoner maintenant, Graham ou Rouaix viendraient vérifier s’il était malade.
Il sortit des toilettes et André Rouaix s’avança vers lui, mit une main sur son épaule.
— On y va ensemble, veux-tu ?
— Peut-être qu’ils se sont trompés ? Graham m’a annoncé que Judith était morte, mais ça ne se peut pas. C’est nous qui avons reçu des menaces. Pas elle.
— C’est plus compliqué que ça, Armand, dit Maud Graham en s’approchant des deux hommes. Plus fou. On en saura plus sur place. Il paraît que c’est un élève qui a tiré sur ta femme.
— Un élève ? Ça n’a aucun bon sens !
— Viens, dit Rouaix en le prenant par le bras.
Quand ils parvinrent à destination, ils furent ennuyés d’y découvrir des journalistes. Une équipe de télévision était sur place et Maud Graham reconnut un des reporters. Elle l’avertit qu’il n’y aurait aucun commentaire, ni de sa part ni de celle de ses collègues, mais elle ne put empêcher le caméraman de prendre des images d’elle, de Rouaix et de Marsolais. Ce dernier était si tendu qu’il ne tentait même pas de se soustraire à la curiosité des médias. Un élève avait tué sa femme. Graham avait eu du mal à l’admettre et avait fait répéter plusieurs fois le policier dépêché en premier sur les lieux du crime. Il n’était sûr de rien, avait-il admis, mais il y avait le corps d’une femme, un gamin qui s’était jeté sous les roues d’une automobile et un sac à dos dans lequel il y avait une lettre d’adieu.
— Un gamin ? Quel gamin ?
— La lettre est signée Pascal. On cherche une pièce d’identité.
— Pascal ?
S’agissait-il de Pascal Dumont ? C’était insensé ! L’adolescent timide aurait tiré sur Judith Pagé ? Elle avait eu un haut-le-cœur ; tout était de sa faute, elle aurait dû forcer Maxime à lui en dire davantage sur Pascal. Comment avait-elle pu… Maxime avait mentionné que Pascal avait une nouvelle amie. Et Grégoire avait même précisé qu’il boudait Maxime, l’ignorait. Mais Maxime ne s’était-il pas battu pour attirer l’attention des surveillants dans la cour de l’école ?
Pascal Dumont. Elle ne pouvait l’imaginer braquant une arme. Il paraissait si frêle. Et où se serait-il procuré une arme ?
— Ça ressemble à un meurtre suivi d’un suicide, avait dit le policier. Comme aux États. Ça arrive dans leurs écoles, là-bas.
Maud Graham avait eu un petit frisson ; ce type de crime avait effectivement lieu dans les établissements scolaires. Pas au domicile des enseignants. C’était une première très étrange… Et c’était la femme de Marsolais qui était la victime.
Elle devait discuter avec Maxime. Il s’était plaint de Judith Pagé vingt fois, cent fois. Il connaissait Pascal. Ce midi, ce soir, elle l’obligerait à parler. Est-ce que Pascal serait décédé quand elle rejoindrait Maxime ? On la préviendrait dès qu’on aurait des nouvelles de l’enfant. Il était dans un état critique. Avant de quitter le bureau, Graham avait rejoint le directeur de l’école pour l’avertir de la situation et de la visite imminente de Chantal Parent à son établissement. Il avait protesté, les élèves seraient bouleversés. Elle lui avait fait comprendre que cette visite était un moindre mal… Les journalistes seraient sur les lieux avant la fin de la journée. Le directeur lui avait aussitôt fourni les numéros de téléphone des bureaux où travaillaient les parents de Pascal Dumont, trop heureux de ne pas avoir à leur apprendre l’incroyable nouvelle.
Incroyable, oui. Marsolais était debout au beau milieu du salon, tout près du corps de sa femme, immobile. Rouaix s’approcha de lui, l’entraîna dans la pièce voisine, le fit asseoir sur un canapé, se tourna vers Maud Graham. Dans quel merdier étaient-ils plongés ?
Il y avait la même rumeur, le même brouhaha que sur tous les lieux du crime où ils avaient travaillé, mais le sac à dos, dans un coin du salon, serra le cœur de Maud Graham ; c’était celui d’un enfant. Est-ce qu’elle aurait pu empêcher cette tragédie ? Un technicien vint vers elle pour avoir son avis et elle se surprit à agir comme à son habitude, à oublier qu’elle connaissait la victime et son présumé agresseur. Elle accomplissait les gestes nécessaires, rappelait Chantal Parent, revenait régulièrement à Marsolais, s’entretenait avec Rouaix, rejoignait Fecteau au téléphone, promettait de calmer la presse. Méthodique, efficace, précise dans ses questions à l’équipe technique, tandis qu’une partie de son esprit se débattait contre le spectre de la culpabilité, anticipait les prochains mois où l’image de Pascal hanterait ses nuits, puis butait contre un détail, s’étonnait d’une incongruité.
Pourquoi Pascal avait-il tiré sur Judith Pagé à son domicile ?
Elle ne fut pas surprise, vers midi, d’entendre sonner son cellulaire. La voix de Maxime était mal assurée.
Elle tenta de le calmer, promit de tout lui raconter dans quelques heures.
— Ne bouge pas de la maison. Et n’adresse la parole à personne. Sauf à Chantal Parent.
— Est-ce que c’est vrai ? Judith Pagé est morte ?
— Oui.
— Je vais appeler Pascal pour le lui dire. Il n’était pas à l’école, ce matin.
— Non, s’écria Maud Graham. Non. Tu ne lui téléphones pas. Tu rentres et tu restes tranquille. Tu me le promets ?
Elle se sentait coupable de ne pouvoir le rejoindre pour le rassurer et elle raccrocha en promettant de le rappeler dans l’après-midi. Songea qu’elle aurait besoin de plusieurs heures pour trouver les mots qui le réconforteraient quand il apprendrait que c’était peut-être Pascal qui avait tué Judith Pagé. Il pourrait se sentir coupable. Et ce drame réveillerait peut-être les souvenirs de l’agression dont Maxime avait été victime l’année précédente.
L’arrivée de Robert Fecteau au domicile des Pagé-Marsolais la tira de ses réflexions. Le patron s’empressa auprès de Marsolais, lui jura qu’il pouvait compter sur lui, sur ses collègues, qu’on ferait tout pour éloigner les journalistes. N’y avait-il personne de sa famille qui pouvait venir le réconforter dans ces moments difficiles ? Un ami ? Marsolais le remerciait, expliquait que sa femme était son unique famille. Fecteau lui promettait de se charger des déclarations à la presse.
Marsolais n’avait aucune expression en écoutant Robert Fecteau. Il buvait son ixième café sans paraître plus réveillé. Il était toujours sous le choc. Demandait pourquoi on avait tué sa femme au lieu de tirer sur lui.
Graham lui avait bien expliqué qu’un élève semblait être le meurtrier, mais il s’entêtait à évoquer les lettres de menaces reçues durant l’enquête sur Darveau.
— Il est en plein déni, fit Rouaix. Il finira par comprendre…
— Qu’y a-t-il à comprendre ? C’est absurde ! J’ai déjà rencontré Pascal Dumont et c’était un enfant rejeté, très timide…
— Tu as dit toi-même que ce sont souvent eux qui se transforment en bombes.
— Oui. Ils tuent à l’école. Tous les meurtriers de ce genre ont toujours commis leurs crimes en public. Et on se procure plus facilement des armes aux États qu’ici… De qui Pascal Dumont a-t-il pu en obtenir une ? J’ai hâte qu’on nous fournisse des informations sur l’enregistrement de cette arme. J’ai vu la mère de Pascal. Je suis certaine qu’il n’y a pas d’armes chez eux. J’en mettrais mes deux mains à couper.
— Il avait un complice ? Une complice ? Les traces de pas derrière la maison révèlent des chaussures de femme, à cause du talon. Ça se complique…
— Ce n’est qu’un début.
— Tu songes à la maîtresse de Marsolais ? Comment aurait-elle pu connaître le petit Pascal ? Il faudrait que ce soit un prof ou un autre élève qui ait voulu se débarrasser de Judith. Ça n’a pas d’allure. On a une lettre d’adieu de Pascal, où il explique ses intentions de meurtre et de suicide. Où il rêve d’être un king.
Graham soupira, elle ne parvenait pas à croire à l’entière culpabilité de Pascal Dumont.
— La plupart du temps, les jeunes ne tuent pas qu’une personne. Pourquoi Pascal a-t-il attaqué Judith Pagé ici ? Savait-il qu’elle serait seule ? Il ne peut pas avoir oublié que son mari est policier. À sa place, j’aurais choisi un autre endroit, non ?
— Tu as raison, c’est étrange. Bon, je retourne vers Marsolais.
— Je vais décider avec Fecteau de ce qu’on fait de lui. Marsolais ne peut pas rester ici indéfiniment. Quoique ce n’est pas plus mal, on l’a sous la main pour lui poser des questions. Même s’il a l’air sonné.
Graham et Rouaix ne pouvaient deviner que leur collègue s’interrogeait aussi sur la présence de Pascal chez lui. Pourquoi Betty n’avait-elle pas agi seule ? Quand pourrait-il la rappeler ? Quand parlerait-il à Nadine ?
C’était la pire journée de sa vie.